POSTHUME
Posthume
« Pays reçu au plus creux du sommeil
l’arbre amer croît sur nous »
Anne HEBERT Terre Originelle.
Les vieux sont là comme des bornes penchées
sur les os rompus des jours à écrire la biographie
de leurs dents.
Les heures pissent contre les arbres de la place
Un étranger absent par procuration mord la
fumée de sa cigarette.
Je donne des coups de pieds dans les coquilles
cabossées du matin futile.
Mais je reviens aux vieux.
Ils se racontent des itinéraires de transhumance
où l’hiver en chemise de nuit fuyait les bruits
d’une nuit goîtreuse.
Ruptures et détours sur cette place qui prolonge
l’église célibataire où les bouches châtrées des
ex-voto veillent sur les carences du Grand
Mystère.
Mais je reviens aux vieux.
Ils se chamaillent dans une gestuelle codée
sur la façon de calculer le périmètre de la
mouvance des lèvres et des heures.
Attendre un pas qui ne viendra plus casser
la servitude de cet espace pendulaire où nul
ne voit ni n’entend l’insignifiante douleur
des morts à rire.
Mais je reviens aux vieux.
Ils arrêtent de s’entreventriloquer pour mieux
relever la topographie du silence et se souvenir
de l’adresse lascive d’un corps en gardant
pour demain l’histoire de la mer amoureuse
qui versa le reflux perpétuel dans les yeux de ses amants noyés.
Je sais cette présence goguenarde de ces masques qui compostent la mort.
L’architecture entoilée des cimetières pour
le fumage des âmes.
Mais j’en reviens aux vieux.
Ils quittent mes yeux.L’ombre de leurs pas
me dit de surprendre plus loin les ruines
d’un repas d’une tablée fossile.Mieux conservés.
Libres du dernier subterfuge de la méditation
égoïstement hors sujet.
1997
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